Remettre le “Why” au centre des pratiques Agile

Agilité, une success story ?

Scrum est devenu au cours des dernières années LE framework de référence pour le développement logiciel et il s’exporte même dans bien d’autres domaines. Nous sommes désormais des millions à être certifiés par l’un ou l’autre organisme, le nombre de participants aux évènements de type “journée Agile” ne fait qu’augmenter et la quantité de ressources disponibles telles que des guides, des “how to” et des best practices, est simplement énorme.

Bien que ce succès représente une opportunité pour les Agile enthusiasts de célébrer, c’est aussi une excellente occasion pour nous de faire une introspection sur l’état de Scrum en 2020.

Apparition du Zombie Scrum

Beaucoup d’entreprises choisissent de mener une ‘transformation agile’ mais ce phénomène s’accompagne malheureusement d’une augmentation du nombre de transformations agiles menant à des organisations qui souffrent du Zombie Scrum.

De loin, ça ressemble à du Scrum: les artefacts, les events et les rôles préconisés sont bien présents mais ces organisations n’arrivent pourtant pas à atteindre le potentiel promis par Scrum.

 

En effet, l’output d’un sprint dans ces entreprises est rarement un incrément livrable à haute valeur ajoutée pour le business.

Credits for the image: Thea Schukken – Beeld in Werking – for Zombiescrum.org

Docteur, quels sont les symptômes ?

Les organisations souffrant de Zombie Scrum présentent généralement une combinaison des 4 symptômes suivant:

#1 Pas de battement de cœur

Un être humain expire après chaque cycle respiratoire. Le battement de cœur dans Scrum est représenté par le cycle des sprints. A chaque fin de sprint, un incrément livrable est censé être produit. Dans le Zombie Scrum, c’est rarement le cas, il manque donc un pouls à l’organisation qui en est victime.

#2 Pas de désir d’engager avec le monde extérieur

Contrairement aux films zombie apocalyptique, le Zombie Scrum préfère s’isoler du monde extérieur. Les modes de pensée sont comme l’organisation, organisés en silo. Vos programmeurs ne sont là que pour coder après tout.

#3 Pas de réponses émotionnelles aux échecs ou aux réussites

Les organisations souffrant de Zombie Scrum sont totalement indifférentes à l’output d’un sprint. Toutes les stories sur lesquelles l’équipe s’est engagée ne sont pas finies ? Pas grave, il existe toujours le prochain sprint. Les PBI sont reportés de sprint en sprint dans l’indifférence totale.

#4 Pas de volonté de s’améliorer

Votre organisation a longtemps oublié l’existence de certaines équipes. Les Scrum Masters et Product Owners sont le plus souvent aux abonnés absents et votre équipe ne comprends pas l’intérêt de la rétrospective (ça leur fait perdre du temps et puis c’est inutile).

Si votre organisation présente plusieurs de ces symptômes de manière récurrente, il est possible que celle-ci souffre de Zombie Scrum.

Répondre au ‘why’, un remède au Zombie Scrum?

L’apparition du Zombie Scrum peut s’expliquer par différents facteurs: le Scrum “fait maison”, le cherry picking, des valeurs d’entreprise qui vont à l’encontre des valeurs Agile, une déconnexion de la réalité et bien d’autres.

Dans cet article, nous proposons une nouvelle clé de lecture de ce phénomène: Et si ces organisations “Zombie Scrum” se focalisaient trop sur le “quoi” et le “comment” de Scrum au dépend de son “pourquoi” ?

En effet, il semble que trop souvent, les organisations et les équipes n’ont aucune idée de la raison qui les a poussées à adopter Scrum. On peut y entendre des phrases telles que:

  • « On ne voudrait pas devenir le prochain Kodak ou Nokia »
  • « Il paraît que cela va booster notre productivité »
  • « Tout le monde le fait, alors pourquoi pas nous ? »

Si ces raisons répondent au “pourquoi”, c’est de manière très superficielle et il faut aller chercher plus loin si l’on veut que ce pourquoi ait du sens.

Pourquoi Scrum ?

Scrum est un framework basé sur l’empirisme: On collecte donc des données grâce à notre expérience quotidienne et on utilise ces données pour prendre de meilleures décisions et être en accord avec la réalité. Cette notion d’empirisme est renforcée et cimentée dans Scrum dans ses trois piliers que sont:

 

  • La transparence: On sait ce qu’il se passe.
  • L’inspection: Le travail (et la manière de travailler) est inspecté au fur et à mesure.
  • L’adaptation: On est capable d’adapter sa trajectoire au besoin.

Prenons l’exemple du Daily stand up et posons-nous la question “Pourquoi la Daily ?”.

Il devient évident de comprendre la raison d’être du Daily stand up en lumière des 3 piliers Scrum: C’est un Scrum Event qui permet de promouvoir la transparence au sein de l’équipe de développement quotidiennement et qui favorise l’inspection (statut de son travail) et l’adaptation du travail de l’équipe (gestion du risque et des imprévus).

Les bénéfices promis par Scrum tels qu’un incrément livrable à chaque fin de sprint, l’interaction avec le client, la capacité à changer et s’adapter, un time to market réduit, un planning prévisionnel, un meilleur Risk Management et autres sont obtenus non pas parce votre entreprise a bien mis en place les 3 rôles, les 5 events et les 3 artefacts de Scrum mais parce que ceux-ci sont la représentation des 3 piliers Scrum qui permettent un processus empirique efficace.

Pourquoi le “Pourquoi” est capital dans vos transformation Agile ?

Simon Sinek, auteur de “Find your Why” et “The Infinite Game”, a donné il a quelques années un Ted Talk très inspirant sur l’importance du “pourquoi” dans les entreprises. Dans celui-ci, il présente son Golden Circle et argumente que la plupart des entreprises se présentent trop souvent à travers leur “quoi” (ce qu’on vend) et leur “comment” (comment on le produit) et accordent trop rarement suffisamment d’importance au “pourquoi”, leur raison d’être. Or, comme il se plaît à le répéter durant son talk “ People don’t buy what you do, they buy why you do it”.

Répondre au “pourquoi” est d’autant plus important d’après lui car c’est celui-ci qui va permettre de convaincre les early adopters au sein d’un marché et ce sont ceux-ci qui décideront de l’adoption de votre innovation au non.

Dans une transformation Agile, les choses ne sont pas si différentes. Les early adopters sont vos futurs ambassadeurs, ce sont des alliés précieux qui vont convaincre les autres et faciliter l’adoption du changement. Si ces alliés sont incapables de comprendre “pourquoi” l’entreprise met en place Scrum, ils seront incapables de l’expliquer en votre absence. Cette situation crée un terreau parfait pour l’installation du Zombie Scrum, où tout le monde sait ce qu’est Scrum et comment on le fait mais n’a aucune idée du pourquoi.

Il est donc impératif d’intégrer le “pourquoi” dans vos démarches agile. Vos agents du changement ne doivent pas se contenter de comprendre et d’appliquer Scrum à la lettre mais de comprendre pourquoi ce framework marche et ce afin d’aller chercher les bénéfices promis par Scrum.

Vivre le ‘why’ au quotidien

Il existe plusieurs façon d’intégrer le “pourquoi” à vos transformations Agile. Chez Arexo,

nous expérimentons les suivantes:

Le Nine Why’s

Le Nine Why’s est une technique interrogative itérative qui permet d’expliciter un but et de créer de l’alignement au sein d’une équipe. Cela permet d’analyser une problématique en profondeur de manière assez simple.

On peut adapter cette technique autour des artefacts, events et rôles liés à Scrum.

WIIFM

Le WIIFM ou “What’s in it for me” est une technique de Change Management qui permet de désamorcer la résistance au changement. Avec un message ciblé et explicite, il est possible de favoriser l’adoption du changement.

Chez Arexo, nous pensons qu’un WIIFM efficace en termes de transformation Agile (qui est un changement en lui-même) doit intégrer les avantages de Scrum et le “pourquoi” de Scrum et pas un autre framework.

Cycle et Valeurs Agile

Il est également possible d’utiliser le cycle Agile et de proposer à une équipe de faire correspondre à chaque event, rôle ou artefact Scrum, les valeurs Agiles, les principes Scrum et les 3 piliers fondamentaux.

Cela permet de rendre explicites leur rôle et leur “pourquoi” tout en alignant la compréhension dans l’équipe.

Pour aller plus loin…

Enfin, il est possible pour les équipes très expérimentées qui ont déja une excellente compréhension du pourquoi de Scrum, de s’en réapproprier certains aspects (par exemple le mouvement #NoEstimate). Il est ainsi possible pour une équipe de changer sa façon d’estimer, de transformer sa daily et bien d’autres choses. Soyez créatif!

Gardez cependant à l’esprit que nous ne recommandons pas cette technique à une jeune équipe. En effet, pour se réapproprier quelque chose, il faut d’avoir avoir une vision claire au sein de l’équipe de la fonction principale de l’artefact à réapproprier et cette vision claire ne vient qu’avec une excellente compréhension du pourquoi cet artefact existe au sein de Scrum.

Key Takeaways

Les bénéfices offert par Scrum sont alléchant sur papier et n’importe quelle organisation a probablement raison de considérer une transformation agile. Néanmoins, Scrum reste trop souvent présenté à travers son “quoi” et son “comment” à défaut de son “pourquoi”. Cette situation mène à une proportion de transformations Agile qui donnent naissance à des organisations dites « Zombie Scrum ». Le résultat ressemble à du Scrum de loin: les artefacts, events et rôles y sont bien représentés mais ces organisations n’arrivent pas à atteindre le potentiel promis par Scrum. Il existe certains remèdes au Zombie Scrum et chez Arexo, nous pensons fermement que l’intégration du “pourquoi” dans vos transformations agile en fait partie.

Envie d’en discuter d’avantages avec nous ?

Rejoignez nous lors de l’Agile Tour Brussels (30/10/2020) ou lors de l’Agile Grenoble (25/11/2020).

Un peu plus de lecture